300 jours en Suède.

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31/01/2004 Tempète de neige.

Trente centimètres de neige le matin, soixante le soir. Pas mal :).

Le bouquin du soir.

Moha le fou, Moha le sage. Un livre étrange de Tahar Ben Jelloun. Une jolie couverture calligraphiée, un ouvrage biscornu, bizarre et changeant, semblable au souffle du vent. Ou de la folie. Mais ne dit-on pas que le vent rend fou ?

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30/01/2004 De l'importance de la sauce (et un peu de théorie culinaire).

Dans une tradition fidèle à Cibo Matto, j'inaugure un peu malgré moi une forme originale de web-journal : le bouffe-log. Parce que mes expériences, entre autres culinaires, font partie de cette grande expérience qu'est mon voyage en Suède.

Je suis donc végétarien depuis à présent deux jours (lol). Et si mon premier repas, fort peu goûteux, m'avait fait craindre une rechute vers la viande, le second balaye littéralement mes doutes. La différence ? La sauce.

Explication rationnelle : dans un plat à base de viande, l'attraction c'est la viande, le reste est de l'accompagnement, et n'a pas énormément de goût. Dans un plat sans viande, si l'accompagnement n'évolue pas, c'est fade. La sauce (typiquement : sauce curry) permet de relever le goût. Simple comme bonjour. Et très efficace.

Un plat végétarien, un peu comme un plat omnivore, est constitué d'une base (que l'on peut considérer comme un accompagnement), style riz, pâtes, lentilles, pommes de terres, carottes, etc. Pour obtenir un bon plat, il faut ajouter des éléments qui vont modifier le goût à certains endroits (exemples: raisins secs, piments, etc.), l'important étant de briser la monotonie de l'ensemble. Typiquement : la base est à dominante salée, ajoutez du sucré, la base est à dominante douce, ajoutez de l'amer, etc. Cela doit se côtoyer sans vraiment se mélanger, sinon ça n'a goût de rien... Le mélange se fait en bouche :). La sauce permet de changer le ton de l'ensemble, en tirant l'intégralité du goût.

Mes constatations sont totalement empiriques. Et, diraient certains, inspirées de la cuisine chinoise. Merci du compliment :).

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29/01/2004 Jour 1.

Dans la vie, il faut parfois prendre des décisions. La mienne est une expérience. Puisque le voyage est l'occasion de changer, pourquoi ne pas faire des expériences après tout ? A Umeå, 50% de la population est végatarienne, et ils ne semblent pas s'en porter plus mal. On est loin des troupeaux de carencés amateurs de légumes que nous décrivent les français quand ils se représentent la question.

Pourquoi pas moi, à ce moment-là ? J'entame donc l'expérience. Attendez-vous à trouver quelques recettes sur ces pages dans les prochains jours :).

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28/01/2004 Expérience.

Un moyen original d'apprendre le suédois : lire des articles de journaux et chercher les mots dans le dico. Maintenant, que faire des mots qu'on a appris ? Idée subtile : faire un petit programme de question réponses, à remplir au fur et à mesure... On est informaticien ou on ne l'est pas :).

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27/01/2004 C'est encore Noël.

Il neige encore.

Je souris encore béatement, nu-tête sous la poudreuse que le vent fort souffle généreusement dans mes cheveux.

Mes pensées dérivent, je ne sais pas pourquoi, vers Lyon. Vers ce bout de parapet devant la Saône, couvert par les branches souples d'un saule pleureur planté au bord du fleuve. Il pleuvait, le vent soufflait, je m'étais abrité sous l'arbre. Derrière le rideau des feuilles, les voitures passaient en silence. J'étais assis sur ce parapet, et j'étais à la fois le saule, la rivière, la pluie et les voitures.

L'été dernier, à Bordeaux en roller, j'étais le vent, l'asphalte, les terrains désaffectés de banlieue et leurs herbes folles. Et quand je faisais une pause, j'étais le soleil couchant, les nuages dans le ciel, la terre bordelaise gorgée de raisins mûrs.

Le même sentiment sous la neige. Je ne suis plus moi, à marcher vers l'université, mais je suis la neige qui tombe, les arbres, le chemin.

C'est encore Noël.

Late night update.

La lecture est un remède magnifique contre les maux de crâne. Prenez un être humain moyen, doté d'une fatigue ordinaire. Eloignez-le de son ordinateur quelques heures, et mettez-lui entre les mains "La Peste" de A. Camus, secouez un peu, et patientez le temps qu'il ait parcouru l'ouvrage.

Suivre le récit d'un habitant d'une ville prise par ce fléau, voir se développer la psychose, la peur, puis l'abattement au fur et à mesure que le temps passe, le courage désespéré des médecins qui traitent la maladie comme ils peuvent... L'humanité face à la mort. Je ne révèlerai pas la fin. Lisez ce livre.

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25/01-26/01/2004 Eye for an eye.

Dimanche, journée calme. Dîner international et (quasiment) végétarien. Soirée jeux de société. Pas désagréable.

Lundi, jour de lutte. Contre mon école, une fois de plus. Petite lutte, me diront certains. Peut-être.

L'école communique en interne grâce à un système archaïque d'alias e-mails, pollué en permanence par des étudiants qui font part de leur passionnante expérience de la vie à tous les élèves de l'école. C'en est venu au point où un certain nombre d'élèves suppriment tous ces messages sans même les lire. Après on s'étonne que la communication passe mal...

Après deux ans à militer pour une utilisation responsable du réseau, je me suis retrouvé dans l'impasse. Comment faire changer les mentalités ?

Soigner le mal par le mal n'est pas toujours une bonne solution, mais c'est celle qui m'a semblée la plus judicieuse. Je me suis donc mis, dans la joie, à polluer le réseau à mon tour. Et comme je ne fais pas les choses à moitié, ce sont au bas mot 400 messages que j'ai envoyés à toute l'école.

Ainsi, peut-être que ceux qui polluent notre réseau de messages inutiles prendront conscience de l'agacement que peut entraîner leur geste. Action non-violente.

Les quelques messages d'insulte et de soutien que j'ai reçus prouvent que mon but a été au moins en partie atteint. La fermeture de mon compte par les administrateurs système de l'école prouvent qu'ils ont clairement conscience du problème, même s'ils se trompent sur la nature de la solution.

Car ce n'est pas en mettant un fauteur de trouble en prison qu'on règle le trouble.

Et même si je sais que cette "petite guerre", sans grande importance, est de toute façon en passe d'être perdue (car il est difficile de demander à 700 personnes de changer leurs habitudes, n'est-ce pas ?), c'est un bon entraînement pour mes méthodes d'action.

(Very) late night update

Comme il est facile de se taire. Fermer les yeux, se dire "tout cela n'a pas tant d'importance", se couler dans le moule, et faire avec. Pour celui qui choisit d'agir, multiples sont les obstacles : l'incompréhension, la marginalisation. La peur d'être exclu est un sentiment très fort et très difficile à dompter. Les insultes que l'on reçoit blessent. Et la plupart des gens vont s'ingénier à t'expliquer que finalement, ton combat n'en vaut pas la peine.

Mais je me répète un peu. Dans ce "petit combat", j'ignore de quoi sera fait demain. J'ignore si ma relation épistolaire avec les administrateurs système de l'école va s'envenimer ou pas (il faut dire que je n'ai pas ménagé mes critiques), j'ignore si ceux qui me soutiennent pourront faire quelque chose sur Bordeaux ou pas.

J'ai de plus en plus le sentiment que mon action était un "baroud d'honneur" d'un de ceux qui ont tenté, pendant deux ans en vain, de faire changer les mentalités. Et je sais que mon action, "soigner le mal par le mal", est totalement contraire aux principes de Gandhi. Mais je comprends un peu mieux pourquoi les gens posent des bombes, quand pendant des années ils se heurtent au silence et à l'indifférence de leurs semblables. Sans bruit on n'est pas entendu, avec on devient criminel, et dans les deux cas rien ne change. La démocratie c'est "cause toujours," après tout.

Cet échec, heureusement sans trop de gravité (c'est aussi l'avantage des petites batailles, ça ne se termine jamais trop mal), est sans doute là pour me faire réfléchir sur la troisième voie, celle entre le monologue (dit "dialogue avec les autorités") et l'action (dite "le bruit criminel") : la non-violence.

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24/01/2004 Journée politique.

Etrange journée, dans laquelle j'ai revu de vieilles connaissances. Mais parlons d'abord de la nuit.

Nuit courte, rêve court. J'étais Frodon (le porteur de l'Anneau), et nous avions trouvé avec Gandalf un moyen très pratique de se débarasser de l'Anneau en question : plutôt que de parcourir à pied tout le chemin jusqu'à la Montagne du Destin, pourquoi ne pas utiliser l'aigle géant qui sauve notre sorcier favori alors qu'il est prisonnier d'Isengard, la Tour de Saroumane ?

Et nous voilà donc partis, à dos d'aigle, en plein milieu du Mordor... En cinq minutes nous arrivons au milieu du cratère, et après quelques supplications (pour le suspense), je jette l'anneau dans les flammes, court-circuitant ainsi l'intrigue de 800 pages de bouquin et 9 heures de film.

Le paysage change. Mille ans, dix-mille peut-être, ont passé. Le cratère s'est éteint, et est couvert d'arbres et d'herbes folles. Sur un de ses flancs, une ville de pierre a poussé.

Je suis un vagabond, et j'erre sans but sur ce qui ne sont plus que des collines. Le paysage est magnifique. Les choses étant ce qu'elles sont, le réveil trouve le moyen de sonner à cet exact moment.

Nous voici donc le jour. Mes yeux s'ouvrent. Je suis en Suède, une fois de plus. Pas de regrets. Mon agenda est bien rempli.

Première chose, rencontre avec ma "mentor", que je n'avais pas vue depuis six mois. Nous discutons politique et liberté. Nous parlons de Freud, un instant. Elle n'aime pas son postulat de base. Moi non plus. Nous nous quittons en milieu d'après-midi, et je la vois courir, au risque de glisser et de se faire mal, pour attrapper un bus.

Seconde activité, rencontre avec cet étudiant professeur qui va partir en France bientôt. Nous parlons de Bretagne, de cerf-volants, et de navigation. Des fois je me demande où j'ai bien appris tout ce que je dis. Son voyage le remplit d'impatience, cela se lit jusque dans son regard.

Pour finir nous allons au cinéma, voir "Le dernier samouraï". Ici les films ne sont pas doublés mais sous-titrés (ce qui est également vrai pour les séries étrangères à la télévision), sans doute la raison pour laquelle les gens maîtrisent bien l'anglais, et j'ai pu ainsi le voir en langue originale.

Au crédit de nos amis américains, il faut reconnaître que les japonais parlent japonais, qu'il n'y a pas de sexe dans le film, et que les USA ne sauvent pas le monde. A leur discrédit, tous les clichés possibles et imaginables sur le Japon, et le fait d'assimiler implicitement les samouraï aux indiens d'amérique, (remplaçons Tokyo par le far-west et les samouraï par des indiens, on obtient un excellent western moraliste, ala "Danse avec les Loups").

Et le soir tombe.

Le bouquin du soir.

Voilà, c'est fait, il m'a fallu une semaine entière, mais j'ai enfin fini de lire l'autobiographie de M.K. Gandhi, dénommé "Mes expériences avec la Vérité" ("My experiments with truth" en anglais).

Comment dire ? C'est prenant. Il est très intéressant de voir comment Gandhi, avec son obstination naturelle et son inflexible quête de la Vérité, est progressivement sorti de l'anonymat pour devenir un personnage public de premier ordre, tout en conservant l'humilité de celui qui est là pour servir l'autre... Bien que je ne sois pas en accord avec l'intégralité de son oeuvre (ses expériences sur la médecine, entre autres, me semblent particulièrement douteuses), il mérite d'être lu. Cet homme est la preuve, s'il en fallait une, que la foi peut déplacer des montagnes.

Et vis à vis du reproche que je lui faisais la dernière fois concernant sa croyance en Dieu, une des dernières phrases de son livre me révèle l'essence du message qu'il voulait transmettre : "il n'y a pas d'autre Dieu que la Vérité" ("There is no other God than Truth", Farewell). Vu sous cet angle, je suis on ne peut plus croyant...

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23/01/2004 Aurore boréale, le retour.

Dehors, il y a une aurore.

Le ciel nocturne crépite de couleurs verdâtres, alignées en bandes horizontales mouvantes, parcourant l'univers d'un bout à l'autre.

Les anciens y voyaient des dragons, des serpents, ou je ne sais quelles autres créatures imaginaires sinuant dans les cieux et annonçant je ne sais quels présages.

En bon scientifique, moi j'y vois le reflet de l'excitation des flux du champ magnétique terrestre sur l'atmosphère. Ô Paysan Céleste, continue à labourer ton champ magnétique, car pour nous les hommes, la récolte visuelle est bonne...

Later in the night update.

La vie en collectivité a des bons côtés, et en a aussi des mauvais. Le bon côté, c'est évidemment d'avoir toujours quelqu'un a proximité si on a besoin de discuter, et le mauvais, c'est évidemment d'avoir toujours quelqu'un a proximité si on a envie d'être seul.

Alors, quand une voisine de corridor investit la cuisine/salon avec 5 ou 6 potes de son école, et que l'étage s'emplit d'un brouhaha certain, difficile d'être au calme. Encore plus difficile de trouver un coin tranquille pour prendre son repas du soir. Evidemment, j'aurais pu aller m'incruster dans le salon avec ses potes, mais non, vraiment, pas ce soir, j'ai pas la tête à ça.

Le bon côté de la chose, c'est que le jeûne, parait-il, c'est très bon pour la santé. Putain d'optimisme.

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22/01/2004 ...'

Moins vingt-quatre degrés à 20 heures, mais il semble que la température soit sur le chemin de la remontée. Quelle chance : demain, je sors de ma tanière, et repars affronter le monde extérieur, appareil photo sous le bras.

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21/01/2004 ...

Moins vingt degrés avérés et dépassés. Le temps s'arrête. La neige devient glace. Emmitouflés dans leurs manteaux, les hommes ont l'air de gros pingouins maladroits. Qu'on est bien au chaud...

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20/01/2004 To Blå or not to Blå ?

Redécouverte des étudiants internationaux aujourd'hui, à l'occasion d'un meeting organisé par le Bureau International. Quelques nouvelles têtes. Il y a, paraît-il, beaucoup de français. Ceux qui sont présents quittent la salle au bout de 5 minutes, semble-t-il parce qu'ils n'étaient pas intéressés. Merci pour l'agent de voyage qui est aimablement venu nous parler de Saint-Pétersbourg...

Une occasion se profile de faire un petit saut en Russie. J'ai bien envie de me laisser tenter.

Le dilemme de la soirée se pose, comme d'habitude, lorsqu'il s'agit de décider de sortir avec les autres internationaux ou pas. Le Blå, j'en ai déjà parlé il y a quelques mois, c'est la boîte "branchée" de la ville, là ou la musique est la moins pourrie et les boissons les meilleures. C'est aussi un endroit que je n'apprécie pas du tout, pour diverses raisons.

On a des convictions ou on ne les a pas : j'estime que je n'ai rien à faire dans ce genre d'endroit. Ma réponse a donc été "non". Pendant que mes camarades dansent donc sous une musique commerciale insipide, pendant que des couples se forment pour une nuit, pendant que certains finissent dehors bourrés et tristes parce que le bonheur obligatoire ne marche pas sur eux, moi je suis bien au chaud dans ma piaule, avec de la musique que j'apprécie et l'autobiographie de Gandhi à lire. Le bonheur du solitaire.

Peut-être que, dans vingt ans, je regretterai de ne pas avoir fait la fête avec les autres, couru après les filles, ou des trucs comme ça... C'est souvent ce que les jeunes sous-entendent quand ils disent "profite de ta jeunesse". Peut-être aussi que, dans vingt ans, je serai heureux d'avoir su rester fidèle à mes idées, et qu'elles m'auront apporté une source de bonheur bien plus grande que l'éphémère du plaisir physique. Quel bonheur pour les hommes, après tout, puisqu'ils se sentent tristes après l'amour ?

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19/01/2004 Course.

Moins quinze, aujourd'hui. Des paillettes de glace scintillent, tombant en rythme du ciel. Jogging. Je disais l'autre jour que le froid faisait peur aux suédois quand il s'agissait de faire du sport, eh bien, mea culpa, c'est faux : j'ai croisé 6 coureurs.

A défaut de pouvoir faire du roller, en hiver, la course à pied est un très bon moyen de s'entretenir...

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17/01-18/01/2004 Côté obscur.

En suède l'hiver, seule la neige est totalement blanche. Le soir dernier, j'ai eu un aperçu de la détresse qui saisit ceux qui vivent si longtemps dans la nuit, mes semblables d'un an.

Je n'imaginais pas que la nuit pouvait réellement influer sur le caractère des gens. Pour moi c'était juste un "prétexte", juste une excuse que se donnent les suédois pour avoir toute liberté de déprimer pendant quelques mois sans se retrouver devant le psy.

Eh bien non, c'est une réalité. La longueur des nuits influe sur le caractère des suédois et, sans doute aussi, sur le mien. Pourquoi un ami qui n'a, semble-t-il, aucun problème, se met subitement à boire beaucoup, puis tente de dépenser toute sa paye au black-jack (eh oui, il est possible de jouer dans les pubs ici) ? Pourquoi, de notre côté, nous sommes-nous découragés et n'avons-nous pas tenté de lui redonner un semblant de bonne humeur ?

Pourquoi ais-je ensuite dramatisé à un tel point que je n'ai pu dormir, alors qu'aujourd'hui tout était revenu à la normale... ? Les suédois savent que ce genre d'évènement est juste lié à l'hiver, et que tout ça n'a pas vraiment d'importance, que ce n'est pas obligatoirement révélateur d'un problème fondamental sous-jacent. Moi j'apprends à la dure.

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16/01/2004 Paradoxes.

Une journée pleine de petits paradoxes. Réveil matin, sept heures, je me lève comme une fleur, et je pars pour mon examen. Dans le ciel encore nocturne, de gros flocons de neige tombent et font l'effet de nuées d'insectes papillonnant autour des lampadaires.

A chaque fois qu'il neige, mon neurone active la connexion "noël" et j'ai un sourire idiot aux lèvres. C'est plus fort que moi.

Je regarde mes camarades, mines renfrognées de ceux qui se sont levés du mauvais pied. Mon sourire doit presque leur paraître narquois. Eux trouvent que ce matin il fait froid, et que la neige ça mouille. Paradoxe.

Je descends du bus trop tôt, et me voilà forcé de marcher dans les rues enneigées jusqu'à la salle d'examen. Le jour est à présent levé, la neige tombe toujours. Je l'observe. Ici, personne ne se soucie de la neige : elle est présente 6 mois d'affilée... Paradoxe.

Examen. Je rédige ma copie, l'esprit un peu ailleurs. 6 heures pour traiter le sujet, c'est beaucoup, c'est habituel : égalité des chances, que les plus lents ne soient pas pénalisés par leur vitesse. Je ne suis pas un rapide, mais la question est expédiée en 2 heures 30, et je me rends compte que je suis le premier sorti. Paradoxe.

Retour au centre-ville. La biblothèque d'Umeå me tend les bras. Passant devant sa grande vitrine, je compte machinalement les rayonnages. Que de savoir dans ce lieu ! Et pourtant, je ne pourrai lire que les ouvrages en français ou en anglais, qui sont peu nombreux. Paradoxe.

Alors que je suis dans le bus du retour, le soleil apparaît derrière sa somptueuse couverture de nuages gris. Il brille d'un éclat tellement fort que, aveuglé, je le maudis un instant. Paradoxe.

Calendrier dans le corridor. Il me reste, en tout et pour tout, cinq mois pleins à passer en Suède. Mon année est déjà à moitié écoulée. Sur mon site, les premières photos que j'avais prises me rappellent l'été. Je constate, à présent, qu'il me faudra bientôt partir. Paradoxe.

Je suis Bordelais, de coeur si ce n'est de naissance. Et sur mon site, il n'y a aucune photo de Bordeaux. Paradoxe.

Late night update.

Une lecture que je voulais entamer depuis longtemps est celle de Gandhi, pour de nombreuses raisons qui vont bien au-delà de la simple curiosité. Chance, l'université d'Umeå dispose de nombreux ouvrages. Je commence donc par un petit volume intitulé "For Pacifists" (pour les pacifistes), qui est un recueil de citations de l'auteur concernant l'ahimsa, soit la non-violence, appliquée à de nombreux sujets contemporains du milieu du siècle dernier (le vingtième, quoi).

J'aurais juste une critique à adresser à son auteur : je ne crois pas qu'il soit nécessaire de croire en Dieu pour adopter les concepts de non-violence. Il s'agit d'une philosophie morale, et la morale se passe très bien du divin. Le "violence implies athesim" est purement ridicule : est-ce parce que je ne crois pas en Dieu que je vais m'adonner à la destruction de mes semblables ? N'ais-je pas le droit de considérer toute vie comme ayant autant, voire plus, de valeur que la mienne ? Pourquoi considérer l'apanage du divin des valeurs qui peuvent, et même doivent, être purement humaines ?

Mettre l'étiquette "Dieu" sur une valeur morale, comme par exemple la non-violence, est un très bon moyen de décourager les gens du commun de s'y intéresser. Trop haut, trop inaccessible. Enfin c'est mon point de vue.

Mais sinon à part ça, ce petit ouvrage vaut le détour, pour découvrir le travail de M.K. Gandhi...

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15/01/2004 Rétrospective.

Hier, donc, soirée entre jeunes. Et plus précisément soirée entre suédois. La principale complainte de mes petits camarades étrangers, étant que les suédois sont des asociaux inabordables, me fait toujours un peu sourire... Peut-être ais-je eu la chance de rencontrer des "bons" suédois, des suédois originaux, ou que sais-je encore ? Ou peut-être est-ce moi qui suis plus suédois que d'autres ?

Je pencherais pour la seconde hypothèse, car les suédois avec qui je cohabite sont tout ce qu'il y a de plus normaux. D'ailleurs, pour vous en convaincre, pour apporter la preuve irréfutable, je vais relater, autant que mon cerveau s'en souvienne, la soirée en question.

Neuf heures: Jim, Daniel et moi descendons au Krogen Krogen, "pub" situé au beau milieu d'un centre commercial. La salle est presque vide. Pour tuer le temps, nous prenons quelques verres, et au fur et à mesure que notre taux d'alcoolémie monte, la conversation dérive inévitablement vers le sujet habituel de conversation des "djeunz" éméchés : les filles.

Et évidemment, ce n'est pas de relations platoniques que nous parlons, hein, on est jeunes ou on ne l'est pas. Bon, vous voyez que mes camarades suédois sont des étudiants tout à fait ordinaires. Même un peu trop. Moi par contre, ce genre de conversation me saoûle toujours un peu, et généralement soit je m'enferme dans un certain mutisme, soit je trouve un prétexte pour m'éclipser.

Mais non, pas cette fois. Ayant remarqué que les suédois sont très amateurs d'ironie, j'ai décidé de jouer moi-même cette carte. Et, au moment où la conversation allait vraiment tomber trop bas, je l'ai faite moi-même chuter au 148ème dessous, en me mettant à chanter ce petit air de Blink 182, dénommé (en toute finesse) "Fuck a dog" :

I wanna fuck a dog, in the ass
He wants to fuck a dog, in the ass
I wanna fuck a dog, that's right kids
I tried to fuck your mom in the ass
I tried to fuck your dad in the ass
But I could find only a dog and his ass

(je vous laisse chercher la suite de la chanson...) Ils m'ont tout deux regardés d'un air bizarre, puis se sont regardés d'un air bizarre, puis se sont mis à rire, et moi avec, et ainsi nous avons changé de sujet.

Peut-être n'était-ce pas la meilleure manière de leur faire saisir l'absurdité de réduire les filles à la fonction reproductrice, mais paradoxalement je pense que ça a pas trop mal marché.

Early night update.

Y'a des soirs comme ça, où on a envie de ne rien faire... Juste se poser sur son lit, écouter Carla Bruni, fermer les yeux, apprécier quelques gouttes de français dans un océan de suédois. Ca repose.

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14/01/2004 Révisions.

Le principal défaut d'avoir un prof qui est aussi chercheur, c'est la difficulté de critiquer son travail, surtout quand le travail en question fera partie du sujet d'un examen qu'on va avoir dans deux jours.

Le principal intérêt d'avoir un prof qui est aussi chercheur, c'est que les cours et travaux pratiques ont une dimension "recherche" (donc expérimentation) qui a une importance non négligeable.

En suède, les thésards peuvent enseigner à l'université, peuvent rédiger des sujets d'examen, peuvent corriger les copies, alors qu'eux-mêmes ne sont encore qu'étudiants, et qu'ils n'ont parfois aucune idée de ce qu'est un cours... Mais bon, tant qu'ils sont pédagogues et passionnés par leur truc, l'intérêt est au rendez-vous.

Même si lire 100 pages d'une thèse dont le résumé ferait au grand maximum 5 ou 6 feuilles A4 m'agace un (petit) peu. Mais bon, la recherche et la lecture documentaire font partie de l'enseignement "à la suédoise". Et on y trouve souvent de l'intérêt.

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13/01/2004 Running in the rain.

Y'a plus de saisons.

Je veux dire, en Janvier, à ma latitude, les températures sont supposées être comprises entre -30°C et -10°C.

Eh bien non, à cause du réchauffement de la planète, les terroristes qui font des essais nucléaires, tout ça, aujourd'hui, il faisait +1°C.

Et il pleuvait, mi-eau, mi-neige.

Et moi, je courais sous la pluie. Un pas après l'autre, au rythme d'une musique de marche (Shiva in Exile, toujours). Deux inspirations, trois expirations, cinq mouvements, histoire que chaque côté de mon corps ait la même dose d'oxygène. Mes jambes foulaient la neige, la musique occupait mes oreilles, mes yeux comparaient les arbres les uns aux autres, mon esprit vaquait à d'autres occupations.

La course à pied, pratique méditative ? A défaut du roller, impratiquable dans ces régions enneigées...

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12/01/2004 Chronique d'une catastrophe annoncée.

Cela faisait des semaines qu'elle m'attendait, épinglée sur mon mur. Sur le dos d'un poster au papier glacé, j'avais crayonné Nemi, l'héroïne suédoise de la série qui porte son nom, dessinée et scénarisée par Lyse Myhre. Une BD qui d'ailleurs mériterait bien la traduction française, soit dit en passant.

Bref. Tous les jours, je regardais mon crayonné, et je me disais : "un de ces quatre, il faudra que je le finisse ce dessin, et que je le repasse à l'encre de chine". Et tous les jours je me disais "mais bon je suis tellement maladroit avec un pinceau qu'il vaut mieux la laisser comme ça"... Et puis, un soir, ce soir, je me suis enfin décidé à me lancer. Advienne que pourra.

Et mal m'en a pris. Malgré les précautions, malgré la vingtaine de lignes et courbes lancées d'une main ferme en guise d'essais, dès qu'il s'est agi d'attaquer le dessin en lui-même, la main tremble, le pinceau bouge, la droite devient ligne brisée, la courbe cassure, la rectitude dérèglement...

Ainsi, mon beau crayonné a fini à la poubelle, gâché par une technique que je ne maîtrise pas. Qu'il repose en paix... Image ci-dessous, pour la mémoire.

nemi

Mais bon ! Ce n'est pas bien grave, de toute façon, il fallait bien qu'il finisse quelque part ce dessin. Et puis à part ce petit échec, la journée dans l'ensemble aura été agréable : une présentation de projet en ubiquitous computing, qui s'est très bien déroulée, une admiration manifeste devant les projets des autres groupes (entre les "tables intelligentes" et les "réveils à commande vocale", l'informatique du futur ne manque pas d'avenir), un coup de téléphone d'une amie...

Et puis, vous savez ce que c'est, on est le 12... Le 12 janvier. Ca fait précisément cinq mois que je suis ici.

La clé.

J'ai entrouvert un oeil, et vu l'humanité endormie autour de moi. Ils dorment du sommeil de ceux qui se croient justes. Leurs songes sont peuplés de belles voitures, de maisons, d'argent, de choses qui brillent à acheter. Leurs sentiments sont pleins de jalousie, d'envie, de haine de celui qui est au dessus, de mépris, de pitié de celui qui est en dessous. Leur imaginaire est rempli de télévision, de cinéma, de musique commerciale et insipide.

J'ai entrouvert un oeil il y a, en fait, très longtemps. Ce jour, ces jours, ces mois, ces années où on m'a mis à l'écart parce que j'étais différent. Parce que mon cerveau n'avait pas été formaté par les mêmes rêves préfabriqués, par les mêmes réalités prémâchées... Parce que mon désir n'était pas d'être comme tout le monde.

J'ai entrouvert un oeil, et avec le temps, je me rends compte combien leur torpeur est attirante. Il suffirait d'un rien, d'un oubli, d'un abandon, d'une petite mort, et je retournerai ni vu ni connu dans le monde de mes semblables. Comme il me serait facile de me renier ! Comme il me serait facile d'oublier le sentiment et de ne garder que l'apparence ! Mes désirs, mes frustrations s'en trouveraient d'un coup effacées. Je vivrais heureux, avec ma voiture, ma femme et ma villa, avec un boulot qui me permettrait de me maintenir au sommet de la société et d'écraser ceux qui sont en dessous... Petits et grands, France d'en haut, France d'en bas. Ainsi va votre monde.

J'ai entrouvert un oeil, et j'ai vu que d'autres avaient su s'élever. Ceux qui écrivent, ceux qui créent, ceux qui racontent. Ils peuvent être artistes, écrivains, musiciens, ermites ou philosophes... La voie qu'ils proposent n'est pas facile. C'est celle de l'être. Cesser de jouer la comédie humaine, puisque comme dit Sartre, on est que ce qu'on paraît... Être soi. Être autre chose qu'une copie d'un modèle inventé par ceux qui ont intérêt à ce que le monde reste tel qu'il est.

J'ai entrouvert un oeil, et j'ai vu un espoir. J'ai vu que le monde ne dormait pas vraiment. De temps en temps, il a des insomnies. De temps en temps, certains s'éveillent pour quelques instants, se demandent "mais que suis-je ?". Qu'on appelle ça "burn-out des cadres", "crise de la trentaine", ou "révolte des jeunes", cela revient au même. Tôt ou tard, l'homme en société se rend compte de son vide, du vide qu'il a créé en s'oubliant. Alors reviennent en lui les rêves de sa jeunesse qu'il avait cru oublier, alors reviennent en lui les envies de changer le monde... Mais au lieu de voir l'espoir, souvent, c'est le désespoir qui arrive. Après s'être tellement éloigné de soi, comment ne pas douter de la possibilité de le redevenir ? Dépression, drogue, suicide... La société cherche à lutter contre ces problèmes, mais sans comprendre que c'est elle-même qui les crée, qu'elle en est même la cause unique.

Tout le monde n'est pas assez fort, ou fou, pour se battre. Surtout que la première chose qu'on constate, quand on décide d'être, c'est qu'on est seul. Seul face au monde. Seul, aussi, face à sa conscience. Seul à faire ses choix, seul à en assumer les conséquences. Seul et libre. Rien de plus angoissant que cette liberté, qu'on nous pousse à oublier depuis notre plus jeune âge, mais qui pourtant est là, qu'on sent... Il est tellement plus facile de laisser guider ses choix par les convenances, de laisser guider ses goûts par les autres !

La solitude, tout le monde en a peur. Être dans la masse, c'est plus facile, plus réconfortant. Pas besoin de marcher soi-même, on est poussé dans la bonne direction. Mais qui contrôle le navire... ? Qui est le capitaine ? Peut-être n'y en a-t-il pas... La société tourne en rond, en cycle. Samsara, comme diraient les bouddhistes. Elle se suffit à elle-même, se régénère, évolue et reste identique en même temps, absorbe tout ce qui pourrait la désagréger et l'intègre.

Mais l'espoir est là. L'espoir que ça change. L'espoir que les hommes ouvriront les yeux, tôt ou tard. Alors je me battrai. Même si cela doit vouloir dire être seul. Je me battrai pour eux, pur qu'ils puissent décoller leurs paupières, Et je me battrai pour moi, pour pouvoir être ce que je veux, pour être libre, et pour que personne ne guide mes choix.

J'ai donc décidé d'être. Être et me faire, me construire, ce qui passe par la création. Avoir, toujours en moi, cet espoir que le monde peut changer, et que je peux l'aider à changer, aider à ma manière en utilisant ma créativité. Rendre les hommes libres, les rendre aussi responsabes. Être libre moi-même, et quoi qu'il arrive garder l'espoir.

Le faire vivre, et le transmettre.

Cinquième point, et une base stable à partir de laquelle créer un monde. Plus une immense lumière dans mon coeur : celle de l'espoir.

Late night update.

Encore une de ces nuits sans sommeil. C'est "L'étranger", de Albert Camus, qui a été mon compagnon de deux heures. Albert Camus, c'est le premier auteur dont j'ai connu le nom, la première rue dont je me souvienne là où je vivais avant. Je n'aurais jamais cru que ses écrits puissent être si sombres. C'est un beau livre, un livre noir... L'évolution d'un homme vers l'échafaud, condamné plus pour sa manière d'être que pour le crime qu'il a commis... Belle justice que celle des hommes.

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11/01/2004 Veille du lendemain.

9h30 du matin, le soleil se lève paresseusement derrière les nuages d'hiver. Le téléphone sonne. Perdu dans un rêve, je ne réponds pas.

10h30 du matin, le soleil continue son ascension solitaire. Mon réveil sonne. Je l'éteins, et me rendors.

13h30 du matin, le soleil commence à redescendre. Mes yeux s'ouvrent: j'ai assez dormi. Je me lève. La chambre autour de moi est calme. La dure journée de dimanche commence.

Je me dirige vers la cuisine sans rencontrer âme qui vive dans le corridor. Je me sers une tasse de céréales (les suédois ne connaissent pas les bols), deux toasts grillés, et m'installe devant Dagens Nyheter, le journal national. Je lis quelques articles. Je peux lire le suédois sans trop de problèmes. Le comprendre c'est autre chose...

Le repas fini, je retourne à ma chambre, et allume l'ordinateur. Linux se lance nonchalamment. Des nouveaux mails... ? On dirait que non. Tant pis. Je tape quelques messages. Pour recevoir des mails, il faut d'abord en envoyer... Ainsi vont les choses.

Pas d'inspiration aujourd'hui. Pourquoi ne pas entretenir la machinerie, alors ? Je m'habille donc en conséquence, et pars faire de la course à pied. Au bout de quelques centaines de mètres, je trouve mon rythme respiratoire. Petit à petit, on s'y fait... Sur le trajet, je croise d'autres coureurs. Beaucoup ont, comme moi, un casque sur les oreilles, et de la musique dans les écouteurs. Pour moi, ce sera Shiva In Exile. Drôle de nom, musique à mi-chemin entre Dead Can Dance et le folklore du moyen-orient.

Quand je rentre, je me retrouve nez à nez avec un de mes voisins, Jim. Il s'ennuie, et de mon côté l'inspiration n'est toujours pas là. Après un repas rapide (boulettes de viande et frites), nous décidons de sortir. Direction : le bowling ! Je ne l'avais jamais vu jouer, il s'avère qu'il est très doué. Quatre parties plus tard (qu'il a toutes remportées haut la main), nous repartons.

Nous finissons la soirée chez un autre ami, à regarder un DVD fort quelconque. Mais, coca-cola et biscuits d'apéritif aidant, ce n'est pas un moment désagréable. Comme d'habitude quand je m'ennuie, mes pensées sont ailleurs. Et je sens l'inspiration revenir.

Enfin nous retournons dans notre corridor douillet. Après avoir vérifié, vainement encore, la présence de messages sur ma boîte, je passe en mode nocturne et mets à jour mon journal.

A présent, il est minuit passée de quelques minutes. J'écris ces lignes. C'était un dimanche très ordinaire... Un dimanche de repos intellectuel. Ca fait du bien de temps en temps.

Le livre.

Oh my god, j'ai encore lu un bouquin. On va finir par me traiter de fou. Et je vous remercie d'avance du compliment. En fait, dans "Fugue en Haine majeure" dont j'ai parlé quelques jours plus tôt, l'héroïne citait quelques auteurs qui l'avaient marquée. Parmi eux, un certain Ionesco. Eugène, il me semble.

Continuant donc à dévaliser la bibliothèque d'Umeå, j'ai emprunté "Le Rhinocéros" de ce cher Eugène. C'est une pièce de théâtre fantastique. Fantastique ? Oui, car l'intrigue tourne autour de la métamorphose de gens d'une petite bourgade en... Rhinocéros. En même temps, c'est très drôle (les disputes incessantes sur le nombre de cornes des animaux, les réflexions des personnages... Et puis ne serait-ce que s'imaginer les scènes !). Et en plus, ça donne à réfléchir, sur le sens de l'existence et de la normalité : subit-on la transformation en rhinocéros, ou choisit-on de le devenir ? Et qui est finalement la norme : humain ou animal ? Je suis sûr qu'un philosophe trouverait beaucoup d'autres choses à dire là-dessus.

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10/01/2004 Création musicale.

Une journée de plus passée dans la planète Suède. Nous approchons du 12, jour de mon bilan, et, curieusement, jour de la présentation du dernier projet de "Ubiquitous computing".

Propulsé "créatif en chef" par les autres membres du groupe (qui, pourtant, sortent tous d'une école de design... Y'a comme un problème !), j'ai fait quelques graphismes pour l'application, ainsi que quelques musiques, le principe étant d'attirer le joueur qui passe à proximité de l'appareil que nous avons construit.

Ce soir, c'est donc de musique (électronique qui plus est) que je vais vous parler. Depuis des années, je bricole des morceaux (aucun sur le site, ça vaut mieux pour vos oreilles ;)) en suivant un principe : celui du tracking. Cette philosophie musicale est simple : le morceau est organisé en pistes (tracks), sur lesquelles on joue des notes à des fréquences données avec des instruments basés sur des échantillons sonores (les samples). Pour faire mon chtit morceau pour le jeu, je me suis donc resservi d'un tracker - Mad Tracker, pour être plus précis (auparavant j'utilisais Impulse Tracker, mais sous windows XP il ne semble pas vouloir marcher).

Mais d'où viennent ces échantillons sonores, briques de base des morceaux ? Eh bien la réponse est simple : d'autres morceaux. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme, et dans l'univers de la musique électronique c'est encore plus vrai qu'ailleurs.

L'autre solution c'est d'avoir ce qu'on appelle un synthétiseur, mécanique complexe est coûteuse permettant de générer des sons à partir de briques de base que sont les fonctions mathématiques. Sinusoides, tout ça.

Maintenant, quand on est un étudiant fauché, qu'on utilise un pentium 120 comme ordinateur, un linux comme OS (parce que Windows ça coûte cher, et qu'on ne souhaite pas porter l'étiquette "pirate" dans son dos), et qu'on est habitué à, pour dire les choses comme elles sont, faire ce qu'on peut avec ce qu'on a, comment créer ses propres sons sans passer par le micro (qui revient à récupérer des échantillons) ?

Je suis tombé un peu au hasard sur un logiciel libre qui répond à mes attentes et correspond à mes moyens. Le principe de ce truc, c'est de programmer. En tant que programmeur, rien de mieux adapté ! Programmer ses sons, programmer ses partitions... Pas de limitations, pas de pistes à suivre, ni d'ailleurs de limitation scalaire (l'échelle européenne de 12 tons), la liberté d'action est complète. Evidemment, revers de la médaille : ce n'est pas en temps réel. Et il n'y a pas d'interface utilisateur, pas de jolis boutons à cliquer ou des bêtises comme ça. Vous, le code. Compiler sa musique, et l'écouter ensuite. Inconvénient quand on aime bien entendre ses changements en temps réel, mais avantage quand on a un vieil ordi qui aime pas le temps réel !

Ca s'appelle CSound. Et c'est gratuit. Etonnant non ? Promis, si je réussis à faire quelque chose de ce soft, je mettrai ça en ligne.

Late night update.

Vous me direz : "mais tout ça n'a rien à voir avec la suède"... Ben... Si, puisque c'est ici que je me suis sérieusement remis à la création... Au pôle, on doit être plus proche des Muses !

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09/01/2004 Sauna.

Chaud sauna... Froide neige.

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07/01-08/01/2004 Bataille de mains.

Après une nuit blanche avant-hier, et une nuit noire hier, la journée d'aujourd'hui consacre le grand retour des étudiants à l'université. Nouvelles têtes, nouveaux internationaux, des voix inconnues qui parlent français dans les couloirs... Et moi qui espérais un semestre plus tranquille :-p.

Nous avons continué notre projet d'Ubiquitous Computing, qui consiste à construire un ordinateur qui n'en est pas vraiment un (ou l'inverse). Mes doigts ont cruellement souffert de la pesanteur, particulièrement lorsque, armée d'un marteau, ma main gauche maladroite (puisqu'elle est à gauche) frappait des clous qu'il fallait bien que l'autre tienne. Evidemment, lorsqu'il a fallu passer à la scie (la fidèle), la main droite a pu prendre une belle revanche sur sa consoeur qui elle avait le mauvais rôle: tenir le matériau.

Le soir arrive enfin, repos pour mes deux mains. Mais demain, point d'heureux pot, puisque nous ne prendrons celui-ci qu'après la présentation finale... C'est la lutte, camarades !

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06/01/2004 Jour férié.

Le 6 janvier, en suède, est un jour férié. La raison ? Elle tombe de la bouche d'un suédois comme une évidence : "c'est 13 jours après noël" (sic, en anglais évidemment).

Etrange pays où on fête les chiffres... Je me demande si, derrière cette façade innocente, ne se cacherait pas quelque ancienne fête païenne, en l'honneur de Thor ou Odin !

Journée calme, comme les autres. Le temps s'est bien réchauffé (puisqu'il fait à peine -6°C) et je suis allé faire de la course à pied... Me rendant compte par la même occasion qu'il est difficile de courir tranquille, tant les suédois pratiquent ce sport : en vingt minutes, j'ai croisé au bas mot 6 coureurs.

Late night update.

Décidément, je dévore en ce moment ! Ma victime du jour: "Haroun and the sea of stories", de Salman Rushdie. Vous savez, cet auteur condamné à mort par l'inquisition Iranienne... Il s'agit d'un conte. Rushdie a écrit des ouvrages plus sérieux, mais j'estime que l'on ne peut mieux saisir la philosophie d'un auteur que par la lecture des ouvrages qu'il propose aux plus jeunes.

C'est donc un conte, une quète initiatique, avec beaucoup de personnages très originaux, des héros attachants, une intrigue loufoque et prenante... Le tout dans un anglais plutôt accessible. Sans doute traduit en français :).

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05/01/2004 Magie du net.

Tiens, je me rends compte que le titre d'hier est "espoir", et que le post lui n'a pas grand chose à voir avec le sujet... Je reviendrai sur l'espoir ultérieurement.

Non ce soir, je vais cesser de vous abreuver de Suède pour changer temporairement de sujet, et parler de magie. Pas n'importe quelle magie, puisque c'est de celle du net qu'il s'agit, vous savez, cet immense réseau de réseaux sur lequel vous surfez actuellement ?

Je vous imagine bien, vous lecteur, sur votre planche, voguant de page en page, de site en site... Vieille planche de bois, ou planche ultra-moderne en matériaux composites avec électronique intégrée, mon site s'accomode de tout. Même vous, qui surfez sans vos yeux mais avec vos doigts, pouvez me lire, avec une planche en braille : c'est une des raisons de l'absence d'images...

N'est-ce pas merveilleux le net ? Un espace où chacun peut dire ce qu'il souhaite dire, où chacun peut lire ce qu'il souhaite lire, et envoyer des messages à de parfaits inconnus, sans obligatoirement espérer de réponse... Le net, tel qu'il est encore aujourd'hui, est libre.

En fin de semaine dernière, j'ai envoyé un message à quelqu'un que je ne connaissais que par ses écrits, pour lui dire "j'aime ce que vous faites".

Je trouve qu'on critique trop, et qu'on ne complimente pas assez.

Hier, j'ai eu la plus belle des réponses, sous la forme... D'un message retour ! Un écrit d'un écrivain. Vous ne pouvez pas imaginer combien quelques petits mots peuvent faire plaisir.

Ceci, plus que tout autre événement, me prouve que 2004 est définitivement une année placée sous le signe de l'espoir (ah on y revient, finalement !). Y croyez-vous ? N'y croyez-vous pas ? Peu m'importe, c'est mon espace, je m'y exprime librement.

Hop.

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04/01/2004 Espoir.

Encore une journée calme, alors que dehors le froid vif engourdit l'atmosphère. En zappant sur la télévision, nous tombons Christel et moi sur un reportage parlant de la famille royale suédoise.

Nous autres français ne pouvons pas comprendre, après tant de siècles passés à lutter contre la monarchie, comment un peuple peut s'attacher à une "famille" royale, pondue au sommet de la société, au dessus des autres, dont les membres n'ont pas à travailler pour s'élever.

Et la mauvaise vue que donne la famille royle anglaise, qui est celle qu'on connait le mieux, avec ses scandales à profusion, ses histoires scabreuses et ses drames, nous fait porter des a priori vraiment négatifs sur les rois, reines et autres princes et princesses peuplant ces charmantes monarchies dites "constitutionnelles".

Pourtant, la famille royale suédoise n'a rien à voir avec celle de l'angleterre : ouverts, curieux, non enserrés dans un carcan de traditions ridicules (ou si peu), ils semblent vraiment l'incarnation de ce que j'appellerais des "monarques modernes". Pensez un peu : le Roi s'autorise à faire de l'humour à la télévision et ne porte jamais sa couronne, sa femme, la Reine, est une "roturière" d'origine brasilo-allemande, leur fille aînée participe avec l'armée à des missions humanitaires... Comment ne pas les aimer ?

Je les plains un peu, quand même. Naître célèbre, toujours sous le feu des flashes, ne pas avoir, ou si peu, de vie privée... Être personnage public, en somme, sans avoir le droit de choisir autre chose. Pauvres rois modernes, esclaves de leurs sujets ! Leur richesse et leur gloire compensent partiellement cette liberté qu'ils ont perdue.

Tiens, sinon, anecdote du jour : en suédois, promettre se dit "lova". Curieuse ressemblance avec le "aimer" de la langue anglaise, non ?

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03/01/2004 Troisième de l'an.

Une journée globalement morne, passée à attendre l'appel de quelqu'un qui n'appelle pas. Ce qui est terrible, quand on voyage et qu'on a des attaches, c'est à quel point on peut être dépendant du contact de ces dernières... Hier encore j'ai mal dormi, sans doute parce que je me rends désormais compte que ma période Bordeaux touche à sa fin.

Je n'ai pas peur. Quelque part dans l'esprit de ceux qu'on a laissés, il y a toujours une pensée du style "il est parti parce qu'il ne voulait plus de nous". Non. Le voyageur ne part pas pour fuir quelque chose, le voyageur part pour trouver quelque chose. On ne bouge pas pour s'éloigner de ceux qu'on aime, on bouge parce qu'on ressent un manque quelque part.

Mais quand le voyageur a trouvé comment combler ce manque, va-t-il nécessairement revenir ? J'ai l'impression d'avoir tellement changé en quelques mois que j'ignore si mes amis m'apprécieront toujours tel que je suis devenu.

Rares sont les romans de voyages où le héros revient au pays après ses aventures...

Late night update.

Encore une nuit de veille, tiens. Mais productive, cette fois-ci : j'ai enfin remis les pieds dans le plat littéraire, et repris l'écriture de scénarios... Pourquoi mon cerveau est-il toujours extrèmement productif entre minuit et quatre heures du matin, au point de m'empêcher parfois de dormir ? J'aimerais bien savoir, tiens.

Very late night update.

Toujours pas de sommeil. Je viens de finir de lire l'unique (à ma connaissance) roman de Anne Saraga, "Fugue en haine majeure". Au dos du bouquin, une petite photo, en noir et blanc, de l'auteur. Cette photo, je l'ai déjà vue. J'en suis sûr, je l'ai vue auparavant. On dirait celle du tout premier portrait que j'ai tenté, quel dommage que je n'aie pas mes vieux carnets à dessin ici.

C'est un étrange livre. La dérive d'une jeune fille vers la mer. Son passage de l'enface à l'âge adulte, par la réalisation de la liberté. Beaucoup d'ouvrages que je lis traitent de changement, en ce moment.

J'aimerais savoir ce qu'elle est devenue. Je ne sais pas pourquoi. Beaucoup de choses, en moi, n'ont pas de raison.

Quand les nuits se font trop longues, et que mes insomnies se prolongent (puisque, selon ma soeur, il s'agit d'insomnies), de vieux souvenirs me reviennent.

Je repense à mes amis d'antan. Rémi, Alban, Elodie, Eukéné... Ceux que j'ai oubliés quand je suis parti. Oubli volontaire, volonté de retirer de ma mémoire l'intégralité d'années de vie perdues, bons côtés et mauvais côtés confondus. On ne peut pas oublier. Juste masquer. Le cerveau est une machine à écrire produisant un livre sans index ni table, que l'on peut raturer mais pas effacer, et qui s'ouvre tout seul de temps à autres, quand on ne prend pas garde à y mettre de marque-pages.

Ils ont été sacrifiés sur l'autel de l'oubli. J'ai été, pour eux, sans doute le pire des amis. Je n'ai pas de regrets, regretter ne sert à rien. Je ferai par contre en sorte que la même chose n'arrive pas à ceux avec qui j'ai gardé le contact, et ce même si il me prend, de nouveau, l'envie d'oublier.

Après tout, mes amis n'ont pas choisi de vivre là où ils sont. Et c'est au voyageur de garder le lien vivant, et non à celui qui reste.

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02/01/2004 Second de l'an.

Le seul truc qui m'agace avec les suédois, c'est que quand ils ne sont pas à 100% sûrs de quelque chose, ils diront "je ne sais pas". Trop perfectionnistes...

La bibliothèque d'Umeå, par contre, est très chouette. Des milliers d'ouvrages, dont un paquet en langue étrangère, et surtout un prêt gratuit... Je redécouvre les bibliothèques avec bonheur, ici.

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01/01/2004 Premier de l'an.

Premier janvier aujourd'hui, tiens, c'est pas tous les jours que ça arrive. Vous me direz : oui mais le 2 janvier non plus, ni le trois, ni le... En effet. Mais bon, les chiffres, c'est magique, un c'est le premier entier au dessus de zéro, mais je sens que je deviens lourd, alors arrêtons-là avec la numérologie.

Premier janvier, donc, passé essentiellement à roupiller et à bricoler. Jim et Christel sont revenus de leur réveillon à Örvik dans l'après-midi, et nous avons passé la soirée à tirer une cassette vidéo louée précédemment d'un magnétoscope récalcitrant.

Bilan : un mort (le magnétoscope), une rescapée (la cassette vidéo), plusieurs blessés (les doigts qui se sont pris quelques éraflures sur les cartes électroniques et autres têtes de lecture).

Ce qui reste du pauvre magnétoscope (qui de toute façon avait bien 25 ans et ne marchait plus, je me demande d'ailleurs pourquoi on a voulu l'essayer) trône sur ma table "de travail" (en fait, avec la nouvelle organisation de ma piaule, il s'agirait plutôt de ma table d'art). J'aime faire mumuse avec l'électronique, et je me dis que je pourrai sans doute faire quelque chose de ce tas agonisant de composants, dont certains ont des qualités esthétiques intrinsèques (traduction : c'est beau ça brille). Dans le pire des cas, ils finiront en poster tridimensionnel pour un de mes murs :-p.

Late night update.

Le sommeil tardant à venir, je me suis engouffré dans la lecture des bouquins que ma famille m'a envoyé, par soeur interposée, pour Noël. En une petite heure, j'ai lu un petit ouvrage biographique, intitulé "Un autre que moi", de Bernard Friot (ed. De La Martinière). Les années lycée d'un jeune en internat : très bien écrit, très touchant, très... En fait, qui m'a beaucoup rappelé ma propre jeunesse.

La dernière de couverture indique ces quelques mots : "Vous voulez [...] peut-être même écrire vos propres confessions et avoir des conseils, alors rendez-vous sur [adresse mail]".

Depuis quelques temps, mon envie d'écrire revient, toujours plus forte. Et j'ai moins envie d'écrire de la fiction que par le passé. Des confessions... Pourquoi pas ? Mais peut-être que je manque encore de recul sur moi pour faire ce travail. En même temps, c'est tentant !

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